Le trésor du Négus by Gérard de Villiers

Auteur:Gérard de Villiers [Villiers, Gérard de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage, SAS
ISBN: 9782360533237
Google: OCr4BgAAQBAJ
Éditeur: Plon
Publié: 1977-02-01T14:28:07+00:00

Le choc du rail de métal arracha le talon de la chaussure droite de Malko. Celui-ci s’en aperçut à l’ébranlement douloureux de sa colonne vertébrale. L’incident se serait produit cent mètres plus haut, il se serait probablement laissé tomber, las de lutter, à bout de résistance, mais il avait devant lui l’entrée de la Quatrième Division où la Land-Rover de tête s’était déjà engouffrée. Plus que quelques mètres à tenir.

Il continua à taper des pieds en cadence, regardant droit devant lui, essayant d’ignorer la masse de la Mercedes à sa droite, de ne pas penser à tous ses muscles, qui semblaient chacun une bête vivante, tapie à l’intérieur de son corps en train de le dévorer et de le pincer sournoisement. La haine le soutenait, la haine de l’homme au visage plat confortablement installé à son volant, sans plus d’âme qu’un morceau de tôle. Il avait mis la radio et tapotait la portière au rythme de la musique tandis que Malko courait.

Celui-ci se demandait encore comment il avait pu gravir son chemin de croix. Ils avaient enfilé l’immense avenue Winston-Churchill presque jusqu’à la gare, plus de deux kilomètres. À chaque feu rouge le convoi s’arrêtait. Pas pour le laisser se reposer, mais pour permettre aux mendiants de venir manifester à leur façon leur soutien au Derg. Malko avait failli vomir sous le crachat d’un lépreux ravi de l’aubaine. Les autres automobilistes s’écartaient prudemment du convoi. Les passants étaient trop loin pour qu’il puisse juger de leurs réactions.

Au bout de la Winston-Churchill, ils avaient tourné à gauche dans Ras Mekonnen, longeant le Nouveau Guebbi, fermé depuis la mort du négus. Il n’y avait presque pas de circulation, et le convoi avait accéléré. Malko ignorait encore comment il avait pu tenir. Ensuite, cela avait été l’avenue menant à Debre-Zeit. Il avait alors été certain qu’ils se rendaient à la Quatrième Division.

La Mercedes ralentit pour pénétrer dans la caserne. Il serra les dents. Maintenant, c’était une question de mètres... La cour était encombrée de véhicules militaires. Le convoi stoppa le long d’un grand bâtiment. Épuisé, Malko s’effondra contre l’aile de la Mercedes blanche. Pensant ne jamais reprendre son souffle. La bouche ouverte, les yeux fermés, il se concentrait sur sa respiration. Il sentit qu’on le détachait de la Mercedes, qu’on le tirait sans ménagement.

On l’entraîna vers un petit cabanon en bois au fond de la cour. Chaque pas était une torture. Une forte ampoule nue l’éblouit, les deux soldats le poussèrent brutalement dans un coin où il s’effondra et le laissèrent là. D’ailleurs, rien n’aurait pu l’empêcher de s’asseoir.

Il ne voulait pas penser à la suite. À la mort probable, au supplice certain. Seulement reprendre des forces.

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